Bovins du Québec, avril 1999, page 19
De la viande de boeuf enrichie... à la vitamine E
Stéphane Gagné
La vitamine E. La qualité du produit. Depuis peu, le mariage a été consommé entre la vitamine E et la qualité du produit pour les producteurs de bouvillons d’abattage du Québec. Le marieur, un important abattoir ontarien, paie les coûts additionnels de l’ajout de vitamine E à la ration des bouvillons. Jusqu’ici, tout le monde semble tirer partie de cette pratique : le boeuf, le producteur, l’abattoir, le consommateur aussi bien que les supermarchés qui offrent cette viande rouge.
Le bœuf
Des études réalisées à l'Université du Kansas ont démontré que des apports élevés en vitamine E renforçaient l’efficacité du système immunitaire chez des veaux. À l'Université d'Oklahoma, des chercheurs ont constaté un meilleur gain chez des bouvillons recevant de la vitamine E par rapport au groupe témoin (1,17 contre 0,95 livres par jour). Ils ont aussi observé une baisse de la mortalité de l’ordre de 11 % pour le groupe vitamine E. En renforçant le système immunitaire du bovin, la vitamine E a un impact positif sur la santé ce qui pourrait éventuellement réduire la quantité d'antibiotiques et autres médicaments que le producteur administre à son troupeau. Un animal en santé est gage d’un produit de qualité.
Le producteur
Michel Daigle, producteur de bovins d’abattage de Saint-Hélène-de-Bagot, met en marché 2 500 têtes annuellement. Depuis quelque temps, il demande à son fournisseur de pré-mélange de minéraux et vitamines d'ajouter de la vitamine E dans son supplément en fonction de la quantité (500 UI/tête/jour durant les 100 derniers jours avant l’abattage) exigée par Better Beef, un important abattoir ontarien. En compensation de cette dépense supplémentaire, Better Beef offre trois dollars de plus par tête, une fois que les tests vérifiant les niveaux de vitamine E dans les muscles sont jugés adéquats.
De l'autre côté du fleuve à Saint-Anne-de-la-Pérade, Gatien Rompré, un autre producteur, a adopté lui aussi cette pratique il y a un peu plus de deux mois. Le tiers de son troupeau de 4 300 têtes reçoit actuellement la dose recommandée pour les 100 derniers jours avant l’abattage. Son objectif : viser le maximum de qualité dans son élevage. À court terme, il souhaiterait une certification lui permettant d'exporter sa viande sur les marchés étrangers. Pour lui, l'ajout de vitamine E donne une valeur ajoutée à sa viande qui, une fois rendue au comptoir du supermarché, se trouve en compétition avec d'autres viandes populaires comme la volaille ou le porc.
L’abattoir, le consommateur et le supermarché
L'ajout de vitamine E dans la viande de boeuf répond aussi aux exigences élevées du consommateur. Lorsqu'il se rend au comptoir des viandes de son supermarché, il accorde une grande importance à l'apparence des coupes de boeuf qui lui sont présentées. Il sera d'abord attiré par des coupes d'une belle couleur rouge vif. Pour lui, une viande de couleur brunâtre n’est pas synonyme de fraîcheur. Or, le surplus de vitamine E dans les muscles permet justement de maintenir plus longtemps la couleur désirée. De nombreuses études en ont fait la preuve.
Selon Better Beef, plusieurs supermarchés ontariens exigent maintenant une viande de boeuf avec vitamine E. D'abord parce que cela leur évite des coûts énormes liés au retrait prématuré des coupes de leurs comptoirs. Mais surtout parce que cette pratique est rentable. Selon une étude économique réalisée par Better Beef, en bout de ligne, cela résulte en une hausse des profits; un constat étant également fait par l’importante chaîne Loblaws, qui a récemment fait l’acquisition de Provigo.
Au Québec, les chaînes de supermarchés ne sont toutefois pas encore rendues au point d'exiger de la viande additionnée de vitamine E. " Nous avons déjà été informés à quelques reprises des avantages de l’ajout de vitamine E dans la viande bovine, affirme Guy Sylvestre, responsable des viandes chez Provigo. Cependant, nous devons au préalable faire une évaluation de la qualité du produit avant de le commercialiser. Et nous ne sommes pas encore rendus à cette étape. " Chez Métro-Richelieu, la situation semble être la même.
Attestation
À la Fédération des producteurs de bovins du Québec, on est très au fait des avantages de cette nouvelle pratique pour l’industrie bovine. Récemment, la Fédération a entrepris d'informer ses membres sur le sujet. " Des rencontres d'information ont déjà eu lieu et des envois postaux ont été faits pour informer les producteurs affirme Jean-Sébastien Roy, agent de commercialisation à l’Agence de vente bouvillons d’abattage. Nous distribuons également une formule d’attestation que les producteurs remettent au transporteur d’animaux lors du chargement pour l’abattoir. Cette formule atteste que les bouvillons ont bel et bien reçu la bonne dose de vitamine E durant la période recommandée. Cette déclaration est acheminée à l’abattoir qui se réserve le droit d’effectuer des tests au hasard sur les carcasses pour vérifier le niveau adéquat de la vitamine. Présentement, un seul abattoir offre une prime pour l’ajout de vitamine E. "
" Ce programme de qualité de la viande rejoint parfaitement les objectifs du projet d’amélioration de la qualité et de l’uniformité des carcasses de bouvillons d’abattage démarré en mars dernier, rajoute Marc Grimard, directeur de l’Agence de vente bouvillons d’abattage ".
Mais en bout de ligne, la décision d'ajouter ou ne pas ajouter de la vitamine E appartient à chaque propriétaire de parc d’engraissement.
À eux de jouer...